Me voici arrivé au bout de ma route. J’ai donc parcouru la voie d’Arles jusqu’à Puente la Reina en 37 étapes. Comme je l’ai mentionné, la voie d’Arles est la réunion des 2 voies : la via Tolosana de Arles au Somport et la via Aragones du Somport à Puente la Reina et elle fait approximativement 1000km. Les photos de l’en-tête synthétisent les 3 principaux jalons de cette marche : le départ de la voie Tolosane vers Compostelle depuis la nécropole des Alyscamps « les Champs-Elysées », la fin de la voie Tolosane au passage de la frontière au col du Somport puis la voie Aragones et la fin de la voie d’Arles à Puente la Reina.

Dans cette petite conclusion, je vais essayer de vous donner un petit florilège de tout ce que j’ai vu et surtout particulièrement apprécié. Je commencerai par ce magnifique patrimoine que nous offre la nature, puis je vous parlerai de celui érigé par l’homme qu’il soit à caractère religieux ou issu de l’architecture du génie civil. Et pour terminer, je vous présenterai mes rencontres les plus marquantes pour moi, hospitalier ou non. sans oublier mes compagnons de chemin des deux côtés des Pyrénées.

J’essaierai de finir en vous faisant part de ce que je retire de ce chemin.

Le patrimoine naturel …

La découverte de l’Occitanie …

Parti de Arles en région PACA, je l’ai immédiatement quittée puisqu’au terme de ma 1ère étape, j’entrais en Occitanie à Saint-Gilles. C’est donc cette région que j’ai traversée intégralement d’Est en Ouest pendant un peu moins d’1 mois. J’ai à cette occasion traversé les départements du Gard, de l’Hérault, du Tarn, un peu de l’Aude, de la Haute-Garonne, du Gers, des Hautes-Pyrénées (la Bigorre) avant d’entrer en Nouvelle Aquitaine dans les Pyrénées-Atlantiques pour les dernières étapes en France.

J’ai à cette occasion découvert de très beaux paysages comme il y en a partout dans notre beau pays. Ci-dessous un petit florilège depuis la vallée du Vidourle, puis à l’approche des Cévennes les gorges de l’Hérault. Le cirque du bout du Monde à Saint-Guilhem qui ouvre la porte d’entrée sur le parc naturel régional du Haut-Languedoc dans lequel j’ai passé une petite semaine entre Lodève et Castres, parc assez sauvage qui m’a ravi. Les Cévennes méritent vraiment qu’on s’y attarde avec ses montagnes arrondies, rabotées et usées par l’érosion, ses vallées verdoyantes, ses nombreux lacs naturels ou artificiels et cette multitude de rivières et de ruisseaux, … et sans oublier, au fur et à mesure que l’on pénètre dans le parc, les nombreuses sapinières, hêtraies, chênaies et autres forêts de feuillus ni les champs de genêts et autres arbustes, plantes et fleurs qui sont un ravissement pour l’oeil. En plus l’époque était propice à ce déploiement de couleurs allant du vert tendre au vert foncé parsemé, comme une espèce de patchwork, à certains endroits de fleurs multicolores. Un festival de fin de printemps ! Hélas à certains endroits des forêts calcinées comme celle traversée au dessus de Saint-Guilhem !

Puis après avoir quitté les Cévennes, la traversée de la Montagne Noire, dernier soubresaut du massif Central avant les Pyrénées. J’ai ensuite à cette occasion découvert une petite partie du Béarn avec le gave de Pau en furie et surtout le Haut Béarn depuis Oloron à l’approche des Pyrénées. La vallée d’Aspe dont j’ai remonté le cours a été une réelle belle découverte. Il est tellement vrai que se déplacer à environ 5km/h permet d’avoir les 5 sens en éveil et de sentir – dans tous les sens du terme – son environnement comme il n’est pas possible de le faire lorsque l’on est motorisé.

Je me remémore les Pyrénées que j’ai commencées à percevoir à mon entrée dans les Pyrénées-Atlantiques, un peu avant Lescar, ses pics comme des espèces de cheminées de pierre, de clochers majestueux bâtis par la géotectonique. Je me souviens de ces 3 étapes dans la vallée d’Aspe où on s’enfonce lentement dans la montagne et où elle semble à chaque pas se resserrer comme les mâchoires d’un étau. Je me rappelle mon arrivée au col du Somport avec cette sensation d’avoir franchi une étape importante. Et cette vue à 360° sur cette barrière rocheuse entre la France et l’Espagne.

… puis celle de l’Aragon et de la Navarre

Ces deux régions espagnoles n’ont vraiment rien à envier à celles que j’ai traversées sur la via Tolosana. Déjà elles sont plus petites puisque j’ai parcouru d’Est en Ouest l’Aragon en presque 4 jours et une bonne partie de la Navarre – assimilable au département des Pyrénées-Atlantiques – en un peu plus de 2 étapes également. Tout en longeant le cours de l’Aragon depuis pratiquement sa source, j’ai donc découvert de magnifiques paysages lors de ma descente dans la vallée depuis le Somport jusqu’au terme de mon chemin. Comme partout en altitude, on traverse des forêts de résineux au moins jusqu’à Canfranc puis ensuite les essences changent au fur et à mesure que l’on descend. J’avoue humblement que je ne suis pas assez connaisseur dans le domaine de la flore pour vous parler des diverses essences. On a encore en vue les Pyrénées que l’on longe à environ une trentaine de km. La végétation par endroit est quand même assez aride comparativement à celle de l’autre côté des Pyrénées !

Ci-dessous un petit florilège avec le lever du soleil sur les Pyrénées depuis Arrés, le lac de retenue de Yesa, l’Aragon au col du Somport, le canal latéral à l’Aragon, le tunnel de l’ancienne ligne de Sangüesa dans le défilé et la traversée des plaines parfois monotones sur d’assez longues distances et des quelques forêts, ….

puis le patrimoine historique …

Notre patrimoine …

Chemin faisant, comme vous vous en doutez, j’ai vu un nombre incalculable de cathédrales, d’églises, d’abbayes et de chapelles en tout genre comme il en existe partout en France dans toutes les régions. Il y a pléthore d’édifices religieux tous plus remarquables les uns que les autres. Les monuments que je retiendrai au cours de ce voyage sont : La primatiale Saint-Trophime de Arles, l’abbatiale de Saint-Gilles avec son extraordinaire portail, l’église Saint-Roch à Montpellier, l’abbaye de l’époque carolingienne de Gellone à Saint-Guilhem-le-Désert avec son magnifique cloître à étages, les magnifiques abbayes bénédictines d’En Calcat et de Sainte Scholastique à Dourgne, le clocher de la basilique saint Sernin de Toulouse, l’église sainte Madeleine à Pibras avec son clocher-mur à 3 étages, la cathédrale Sainte Marie d’Auch, le cloître du couvent des Prémontrés à Sarrance, …. J’ai donc voyagé en quelque sorte dans le temps depuis l’époque carolingienne avec l’art roman, puis l’évolution pour partie avec le roman provençal à saint Trophime, qui préfigurait l’apparition du gothique au Moyen Age et la grande épopée des bâtisseurs de cathédrales. La plupart de ces édifices est classée aux monuments historiques et/ou au patrimoine mondial de l’humanité (UNESCO). Je me suis un moment demandé pourquoi pratiquement tous ces monuments sont classés mais je crois que la raison, et peut-être la réponse, est la préservation de ce bien patrimonial pour éviter, comme ce fut le cas par le passé, le démantèlement de cette richesse culturelle et sa vente à des collectionneurs étrangers comme je l’ai découvert tout au long du chemin !

L’autre volet de notre extraordinaire patrimoine civil, en opposition au religieux, que je mettrai en exergue est : l’amphithéatre de Arles, le pont du diable avec sa légende féodale et le canal du midi dont je vous ai longuement parlé dans un précédent chapitre. J’avoue que ce qui fut au XVIIe siècle un chantier titanesque mérite que l’on s’y attarde et pourquoi pas y faire un peu de tourisme fluvial en allant soit vers Toulouse soit vers Sète. Je n’oublie bien sûr pas le magnifique aqueduc Saint Clément dit des Arceaux à Montpellier, la halle du XIIIe siècle à Revel, l’escalier de pierre et de bois de la maison Henri IV à Auch, les maisons de l’Agout à Castres, …

… et celui de nos voisins ibériques

Les 2 régions que j’ai parcourues foisonnent de patrimoine religieux au travers des cathédrales, églises, couvents, …. qui sont pour la plupart classés sur la liste du BIC (Bien d’Intérêt Culturel) ou au patrimoine mondial de l’humanité comme peut l’être le chemin de Compostelle. Jaca avec la cathédrale San Pedro, Sangüesa avec la cathédrale Santa Maria et son magnifique portail et l’église de Santiago, l’église Santa Maria de Eunate, la tour de l’église du Crucifix à Puente la Reina, …

Quant au patrimoine civil, je n’en retiendrai que 3 : La gare de Canfranc, le « Titanic des Montagnes », transformée aujourd’hui en Hôtel de luxe et en casino suite aux déboires qu’elle a connue à différentes étapes de sa vie pour finalement, suite à la fermeture de la ligne côté français, n’être plus qu’une gare accueillant une vingtaine de passagers par jour. Ruesta abandonnée suite à la construction du barrage de Yesa et à l’inondation de ses champs et de ses cultures. Le groupe qui gère l’albergue milite pour la reconstruction de ce village. Et pour terminer, the last but not the least, le Pont de la Reine construit au moyen âge sur ordre de la reine Mayor de Castille sur l’Arga pour faciliter le passage des pèlerins de Compostelle qui quittaient la ville par la Rue Mayor. Et bien d’autres choses remarquables comme la tour des Fusiliers qui protégeait l’Aragon à la descente des Pyrénées, la citadelle de Jaca, les tours du petit village de Arrès, le magnifique escalier du palais Vallesantoro à Sangüesa, le pont médieval à l’entrée de Monreal, les portes cochères de la Rue Mayor à Puente la Reina, ….

et pour terminer le patrimoine humain

Mes rencontres sur le chemin …

Myriam a quitté au début de cette année son plat pays pour venir s’installer à Arles. Après des vacations multiples à Conques, elle accueille des pèlerins en partance sur un des nombreux chemins passant par Arles, sa ville d’adoption dont elle m’a parlé avec ferveur et dont elle connait l’histoire sur le bout des doigts. Elle est devenue une véritable arlésienne. Aldith m’a accueilli au gîte à Vauvert. Elle s’occupe du maraîchage. Son vœu le plus cher, après qu’elle aura fait le chemin jusqu’à Compostelle, est de rentrer dans sa terre natale en Martinique qu’elle a quittée il y a une trentaine d’années. Serge, venu de Strasbourg, est hospitalier au presbytère de Saint-Roch à Montpellier. Accueil très sympa et nombreux échanges. Il m’a donné plein d’infos sur Saint-Roch et sur la ville qu’il connait bien avant de repartir à nouveau sur les chemins. Sœur Ruffine, jeune carmélite, m’a accueilli au carmel Saint Joseph à Saint-Guilhem. Elle est, elle aussi, déracinée en quelque sorte pour faire son noviciat. Elle a – m’a-t-il semblé – le mal du pays et espère au terme de ses 3 ans environ rentrer chez elle à Madagascar. Jérémy nous accueille chez lui à Lodève. Il nous prépare un succulent repas et la soirée est très conviviale. Pèlerin lui-même, les échanges tournent bien entendu autour du chemin. En guise de credential, il nous fait à chacun une petite aquarelle. Jacky le berger que je croise près du col de Serviès sur le plateau du Haut Languedoc. Flanqué de ses 2 chiens, assis à scruter l’horizon, il arbore une magnifique barbe blanche, telle une statue antique. Ce patre héraultais, éleveur de veaux et de moutons, est un berger lecteur et probablement philosophe ! Jacques, dit Jaco, paludier en Camargue, que nous avons croisé au détour du chemin avant d’arriver à la Salvetat-sur-Agout. En buvant le café, nous avons échangé sur son métier avant sa retraite. Il nous a offert une boîte de fleur de sel que l’on voit en train de la dédicacer. Merci ! La grand-mère, la seule épicière encore en activité à Anglès, tenait encore debout mais voutée comme pour mieux supporter le poids des ans devenu probablement très lourd ! Madeleine, mon hospitalière à Castres, petite bonne femme du haut de ses 84 printemps, qui se démène avec ardeur et amour de son prochain pour que les pèlerins se sentent chez eux dans sa maison. Stéphane, rencontré vers Dourgne, réparant sa remorque. C’est une rencontre assez atypique pour l’évoquer : depuis plusieurs mois, cet ancien cordonnier parcourt la campagne d’école en école, dite calendreta, pour pérenniser l’Occitan. René-Claude et Patrick m’ont accueilii à Montferrand à “La porte de Marie”. Ce sont deux laïcs consacrés qui s’occupent de préparer au baptème des adultes pour l’un et des enfants pour l’autre. Bruno, restaurateur à Avignonet-Lauragais avec lequel, le temps que l’orage passe, j’ai passé un bon moment : il était avant tout antiquaire et en plus il avait créé dans le restaurant une espèce de librairie et la vente de chaque livre servait à aider sa fille handicapée. Une bien belle histoire ! Marie, employée aux Voies Navigables de France (VNF), le jour de mon passage manipulait les vannes pour alimenter le canal du midi. Elle m’a fait un petit cours d’histoire sur le seuil de Naurouze et sur le canal du midi. Super moment d’échanges ! Michel, hospitalier à l’écluse du Sanglier, sur le canal du midi, dénote par sa tenue et son allure « gourou » ! Il arrive de Béziers à vélo, reste 2 semaines ici et poursuit sa route ensuite jusqu’au gîte de pèlerins à Saint-Jean-Pied-de-Port. Mario, environ 75 ans, est d’origine portugaise. Il habite à Pau depuis 60 ans et nous avons marché un long moment avec lui. Il a déjà parcouru plusieurs chemins vers Compostelle et surtout un qui l’a conduit à son pays natal, chemin qu’il a fait pour tenir la promesse qu’il avait faite à son père. Isabelle, hospitalière à Sarrance, m’a raconté l’histoire – qu’elle connait parfaitement – de la communauté des frères qui appartient à l’ordre des Chanoines réguliers de Pémontré, depuis la fondation par Saint-Norbert il y a environ 900 ans jusqu’à aujour’hui. Raymondo nous accueille dans le gîte d’Arrès avec beaucoup de bonhomie. C’est lui le cuisinier qui officie seul et nous prépare un délicieux repas pour le soir. Il nous sert de guide à la tour et dans la petite église. C’est un hospitalier au grand coeur ! Pedro, forgeron à Sangüesa, est la 6ème génération depuis 1829 à tenir cet atelier de forge. Un artisan qui a un réel savoir faire. Bravo l’artiste !

Je n’oublie pas les autres rencontres que j’ai faites au long de ce chemin. Je n’oublie pas tous les autres hospitaliers qui reçoivent chaque soir des pèlerins, qu’ils le fassent dans le cadre d’une association liée au mouvement jacquaire, à titre privé ou dans un cadre communal. Certains, dans la grande majorité, sont pèlerins ou anciens pèlerins eux-mêmes, et font ce métier par passion et de manière totalement désintéressée. D’autres, par contre, ne sont là que pour l’appât du gain ! Heureusement, c’est une minorité.

Si l’aventure tente l’un d’entre vous, il suffit de prendre contact avec une association jacquaire. Selon certains sites, il n’y a pas d’exigences particulières mais il vaut mieux avoir fait quelques chemins dont celui de Compostelle avant de candidater et de se lancer dans cette aventure bénévole, selon d’autres il faut avoir fait le chemin. A vous de voir !

… et celles avec les pèlerins

Groupe via Tolosona 2023

Je vous présente donc mes compagnons de route sur la voie Tolosona depuis pratiquement mon départ de Arles. Hervé parti comme moi de Arles et rencontré lors de ma 1ère étape à Saint-Gilles. Il est originaire de Cadenet, sur la rive droite de la Durance, dans le département du Vaucluse. Nous avons marché ensemble jusqu’à Revel puis Hervé s’est arrété à Toulouse. Ensuite Thomas que j’ai rencontré à la sortie de Montpellier avec sa petite cariole, Mathilda. Il est originaire de Metz. Nous avons fait pratiquement toute la voie d’Arles ensemble et j’avoue que ses nombreux conseils de pèlerin expérimenté m’ont été utiles, ne serait-ce que pour l’équipement. En plus c’est quand même plus agréable et motivant de partager le chemin. Monika, originaire de Munich, nous a rejoints – Hervé, Thomas et moi-même – à Montarnaud et nous avons fait ensemble toute la traversée des Cévennes jusqu’à Castres. Elle a arrété elle aussi le chemin à Toulouse. A noter qu’elle parle bien le français ce qui a évité de nous exprimer en anglais ! Béatrice, rencontrée à Aniane, juste avant Saint-Guilhem le Désert, est originaire de Uzès et nous avons cheminé ensemble jusqu’à Dourgne puis nous sommes un peu perdu de vue. Elle a également arrété sa route à Toulouse. Et pour terminer Frédéric, rencontré lorsque je me suis un peu perdu – et lui aussi d’ailleurs – entre Saint-Gervais-sur-Mare et Murat-sur-Vèbre. Il est originaire des environs du Pont-du-Gard. On a marché ensemble jusqu’à Dourgne environ. Il a continué sur la voie Aragones et le Camino Francés. De belles rencontres, et nous sommes toujours en contact et échangeons via le groupe WhatsApp ! Hervé vient d’ailleurs de nous envoyer des photos de sa marche qu’il vient de terminer depuis Figeac jusqu’à Cahors en passant par Rocamadour ! Merci à chacune et à chacun pour le partage sur ce chemin.

Une petite page pour Andrés – qui ne fait pas partie du groupe constitué presque au départ – que j’ai rencontré à Montesquiou (après Auch) et avec lequel j’ai voyagé pendant presqu’une semaine jusqu’à Oloron en compagnie de Thomas que nous avons retrouvé à Morlaas.

Comme je l’ai évoqué, Andrés est bénévole dans une association à Madrid pour faire perdurer les chemins de Compostelle. Il nous a donné un bracelet de tissu sur lequel figurent les symboles du chemin (coquille, flèche du balisage et pèlerin jaune sur fond bleu, les couleurs du chemin) et nous a également offert un pin’s à l’effigie de la coquille avec la silhouette de la communauté autonome de Madrid et les couleurs de son drapeau. Il nous a expliqué tout ça dans un remarquable français ! Merci à toi Andrés !

Suite à ses divers pélerinages, Andrés Juez Pérez a écrit 3 livres qui racontent ses chemins, livres rédigés en espagnol et qui ne sont pas traduits (j’ai juste traduit les titres) :

  • Del Ródano al Garona por la Vía Tolosana o Camino de Arles – Du Rhône à la Garonne par la Via Tolosana ou le Chemin d’Arles
  • Camino de Santiago desde Olmeda de la Cuesta (Cuenca) – Chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle depuis Olmeda de la Cuesta (province de Cuenca)
  • Del Ródano al Arga por la Vía Tolosana y el Camino Aragonés – Du Rhône à l’Arga par la Via Tolosana et le Chemin Aragonais (suite du 1er livre)

Cela rejoint ce que j’écrivais dans mon prologue à savoir que de nombreux ouvrages sont écrits par des pèlerins qui veulent partager leurs expériences.

Groupe via Aragones 2023

Je vais vous présenter également mes compagnons de route sur la voie Aragones. De gauche à droite sur la photo centrale : José – surnommé « le baroudeur » – qui est parti de Chantilly fin avril et que j’ai rencontré à Jaca. Il continue sur le Camino Francés en compagnie de Thomas. On les voit le jour de leur départ franchir le Pont de la Reine. David – dénommé « le pèlerin » – originaire de Leicester au Royaume Uni – parti je ne sais plus trop quand – que j’ai rencontré à Arrés et qui lui va à Santiago en empruntant le Camino del Norte. Ensuite Thomas – affublé du surnom « le missionnaire » – que je ne vous présente plus qui a continué pour partie sur le Camino Francés et a pris une autre voie pour atteindre Santiago. Stephan – dit « le poète » – originaire de Berne en Suisse, parti lui début mai, a rejoint la via Tolosana via Le Puy-en-Velay. Je l’avais rencontré à Auch et nous nous sommes retrouvés à Jaca. Lui aussi va à Compostelle par le Norte. Des parcours de vie différents mais un bout de chemin fait en commun. Au travers de nos rencontres, on a montré que l’Europe pouvait être une belle et grande « nation » indépendamment des nationalités de chacun d’entre nous ! Je dois souligner que David et Stephan – dont la langue maternelle est l’allemand – parlent tous deux couramment français !

J’ai fait au cours de ce périple d’autres rencontres, qu’elles soient avec des pèlerins, des hospitaliers ou autres. Les albergue dans lesquelles j’ai logé sont toutes administrées par la commune et le prix est fixé soit à quelques euros soit en donativo comme à Arrès. Il n’y a pas ce que j’ai ressenti à quelques endroits en France une espèce de recherche du profit au détriment du pèlerin.

Les représentations des pèlerins au long du chemin

En France dans quelques endroits mais en Espagne presque chaque ville, village, hameau qui se trouve sur le chemin arbore une statue de pèlerin ou une espèce de totem rappelant le chemin. Certaines sont très réussies et d’autres moins, mais c’est une question d’appréciation. Comme on dit, il y en a pour tous les goûts ! On voit différents types de balisage sur des bornes comme ci-dessous, quelques unes en France et de très nombreuses en Aragon et en Navarre. Et puis parfois, comme à Sangüesa, il y a une tombe à la mémoire d’un pèlerin décédé en 2008 symbolisée avec le bourdon et la gourde du pèlerin ! et j’ai même croisé de drôles de pèlerins ! …

Quelques précisions sur le chemin

Contrairement à ce que j’avais pu annoncer dans mon préambule, je ne suis pas allé à Roncevaux. En fait comme vous l’avez compris j’ai fini la via Tolosana puis suis allé au bout de la voie d’Arles. Je pense que mon ami Thomas m’y a un peu encouragé en m’expliquant que je ne reviendrai probablement jamais à Oloron pour monter au Somport pour finir la voie Tolosana et que ça serait mieux si je la terminais et même si je finissais totalement la voie d’Arles … dont acte !

Je ne cherche nullement à ramener mon chemin à un quelconque exploit sportif. J’ai fait des étapes de plus de 30km quand j’allais bien et pour des raisons aussi d’hébergement mais aussi des étapes de moins de 20km quand le besoin s’en faisait sentir. Les moments les plus durs n’ont pas été le dénivelé. Ce furent bien souvent ceux où il a plu presqu’incessamment et où les chemins étaient détrempés et souvent n’étaient plus que des mares de boue à certains endroits. Des passages dans la vallée d’Aspe, entre le gave et la montagne, ont été difficiles voire parfois un peu dangereux du fait des pluies sans discontinuer des semaines précédentes.

Thomas a fait de nombreux chemins et est appelé à en faire plein d’autres. Il m’a donné une multitude d’informations sur les chemins en général et de précieux conseils. Je l’en remercie très sincèrement. Au cours de nos quelque 5 semaines de périple, nous avons – vous vous en doutez – beaucoup échangé sur de nombreux sujets et bien sûr sur les chemins et en particulier sur le point de rencontre des 3 chemins en France qui confluent à Ostabat dont je vous ai parlé dans mon préambule. En toute rigueur, 2 des 3 chemins arrivent un peu au Nord d’Ostabat, précisemment à Saint-Palais et le 3ème – la voie du Puy – les rejoint à Uhart Mixe. Cependant on a gardé ce village d’Ostabat comme carrefour des 3 chemins car autrefois, plus de quinze hôtelleries et deux hôpitaux accueillaient les pèlerins. Le nom d’Ostabat évoque d’ailleurs l’auberge basque « l’Ostatu ». L’affluence des pèlerins de Compostelle, dès le XIIe siècle, au confluent des trois principales voies françaises, laisse imaginer l’ambiance des auberges, l’artisanat florissant, quand Ostabat accueillait jusqu’à cinq mille pèlerins.

Ce point de rencontre des 3 chemins s’appelle la croix de Gibraltar et se situe très précisémment sur la commune de Uhart Mixe. Une des versions sur le nom Gibraltar vient – viendrait – de Xibaltarre, traduction en basque de Saint-Sauveur du nom de la colline de Saint Sauveur voisine. En 1964, une stèle a été érigée à quelques mètres du Chemin pour marquer l’endroit symbolique où les pèlerins d’horizons différents se rencontrent et font route commune vers le Champ de l’Étoile.

Quelques réflexions …

En fait j’ai découvert tout au long de mon Camino que la nature sait offrir des paysages somptueux mais aussi sait les mettre à mal voire carrément les détruire lors de phénomènes météorologiques extrêmes. Je ne peux m’empêcher de faire ce parallèle avec ce que l’Homme est capable de réaliser depuis des millénaires et plus particulièrement depuis deux mille ans pour ce qui m’a concerné en gros depuis les vestiges romains de Arles, les abbayes carolingiennes datant de l’an 800 environ d’Aniane et de Saint Guilhem le Désert, les abbayes bénédictines de Dourgne, la gare de Canfranc, le pont médiéval de Puente la Reina, …. au travers du patrimoine exceptionnel que j’ai vu et dont j’ai essayé de m’imprégner le plus possible et de vous en raconter un peu l’histoire. L’Homme est en définitive assez proche de la nature, je veux dire au travers de son comportement : comme la nature, il est capable du meilleur – et je peux en témoigner – mais hélas du pire et parfois trop souvent ! Qu’est devenue sa conscience qui en fait un mammifère prétendument évolué ?

Toutes ces régions que j’ai parcourues pendant un peu plus de 5 semaines m’ont vraiment émerveillé. Je ne ferai aucun distingo entre les deux côtés des Pyrénées. Elles regorgent toutes de constructions plus remarquables les unes que les autres. Je n’ai pas pu tout voir, tout visiter mais j’ai essayé chaque fois que c’était possible de le faire et de vous en parler un peu. J’ai eu l’occasion à titre personnel et au cours de ma carrière professionnelle de voyager presque aux quatre coins du monde et ce bien que la terre soit ronde. Je ne peux qu’apprécier encore plus ce que la France offre du point de vue de son patrimoine exceptionnel, que ce soit géographique ou historique. Mais l’Espagne n’est pas en reste et n’a rien à nous envier car elle a aussi un superbe patrimoine avec à certains endroits dans ces régions du Nord l’empreinte de l’influence mauresque.

Comme je l’ai écrit, j’ai tout au long de mon chemin rencontré plein de gens, en particulier des hospitaliers. A un moment je me suis dit que c’était des personnes extraordinaires, mais tout bien réfléchi, elles sont comme toi et moi, des gens simples, ordinaires mais qui font parfois – voire souvent – des choses extraordinaires. Lorsque, en 1986, Paulo Coelho entreprend le pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle, il ne sait pas encore que, au terme d’un parcours jalonné d’épreuves, il reviendra transformé. Son 1er roman édité en 1987 s’intitule  » Le Pèlerin de Compostelle », il a écrit « l’extraordinaire se produit sur le chemin des gens ordinaires ». Je partage entièrement son point de vue !

Il m’est très difficile de savoir ce que m’a apporté ce chemin. Il est indéniable que cette aventure m’a apporté la connaissance de plein de choses sur le plan du patrimoine. J’ai été heureux de mes rencontres et les échanges que j’ai eus avec certaines d’entre elles ont été la plupart du temps fructueux. Chacun a entendu parler de cette maxime gravée à l’entrée du temple d’Apollon à Delphes « Connais-toi toi-même ». Elle est célèbre pour son usage philosophique par Socrate. Je ne suis pas encore capable de dire si j’ai progressé dans cette connaissance, très probablement, mais vous vous en doutez, c’est difficilement quantifiable.

Comme me l’a répété à maintes reprises Thomas, je crois que j’ai progressé sur la notion de « lâcher-prise ». Pour vous expliquer, je suis parti en ayant planifié toutes mes étapes jusqu’à Toulouse, soit environ une vingtaine, par crainte de ne pas trouver d’hébergement (comme ce fut le cas lors de mon chemin vers le Mont-Saint-Michel). Je m’étais donc en quelque sorte pas mal contraint par rapport aux étapes à faire et je n’étais pas vraiment dans l’esprit du chemin, qui est plutôt de partir chaque matin un peu à l’aventure et en chemin de trouver un hébergement. Dans la deuxième partie du parcours, j’ai commencé à ne réserver que pour 2 à 3 nuits. En Espagne, il n’est – je crois – pas possible de réserver et donc là pas le choix, je partais le matin sans savoir où j’allais dormir ! Un réel progrès pour moi que l’on a surnommé « l’explorateur » parce que j’avais un peu trop la tête dans les cartes et le GPS ! … comme quoi il y a encore du boulot pour atteindre cette séréniité que chacun recherche sur le chemin ….Le Camino del Norte que j’envisage de faire l’an prochain pour atteindre Compostelle ne sera pas de trop, je pense ….

Je peux quand même résumer en une phrase ce que m’a apporté cette pérégrination : je suis parti de Arles randonneur sur le GR653 et suis arrivé à Puente la Reina pèlerin sur la voie d’Arles.