1 – Quelques mots d’introduction
L’an dernier à la fin des 1000 km parcourus sur la voie d’Arles en un peu moins de 40 étapes, je vous avais en quelque sorte donné rendez-vous cette année pour continuer et terminer le chemin vers Compostelle. J’étais entré en Espagne pour terminer les 6 dernières étapes de cette voie en traversant l’Aragon et la Navarre pour arriver à Puente-la-Reina. Cette fois-ci le chemin sera complètement en Espagne.
2 – Mes lectures complémentaires
Au cours de mon chemin, j’avais eu un certain nombre de discussions avec des pèlerins. Avec certains j’avais échangé non seulement sur le chemin mais également sur les livres qu’ils avaient lus ou qui – à leur dire – méritaient d’être lus et qu’implicitement ils me conseillaient. J’avais à cette occasion fait état de 2 livres. Je les ai lus tous les 2 et vais donc vous en dire quelques mots.
Le 1er est celui de Alix de Saint-André intitulé « En avant, route » paru en 2010. Alix de Saint-André a pris trois fois la route de Compostelle. La première fois, elle est partie de Saint-Jean-Pied-de-Port, sur le chemin français (Camino Frances), avec un sac plein d’idées préconçues, qui se sont envolées une à une, au fil des étapes. La deuxième fois, elle a parcouru le » chemin anglais » depuis La Corogne jusqu’à Fisterra. Et enfin celui que l’on doit faire en partant de chez soi, pour accomplir ce que les espagnols appellent le « vrai chemin ». Des bords de Loire à Saint-Jacques-de-Compostelle, de paysages sublimes en banlieues sinistres, elle a rejoint le peuple des pèlerins qui se retrouvent sur le chemin, libérés de toute identité sociale, pour vivre à 4 km/h une aventure humaine pleine de gaieté, d’amitié et de surprises. C’est avec beaucoup de tendresse et d’empathie qu’elle narre ses rencontres sur le chemin.
Elle annonce la couleur d’entrée de jeu : elle ne parlera pas du patrimoine quel qu’il soit, ni des paysages, mais se concentrera sur le chemin, sur ses rencontres et sur ses échanges avec elles. J’avoue que j’ai été un peu décontenancé au début par cette approche disons catégorique. Pour moi, quelles que soient les raisons qui vous y amènent, le patrimoine fait partie de l’histoire du pays et des gens que l’on rencontre, mais en fait j’ai rapidement adhéré à son point de vue et ai lu avec empressement – un peu comme un bon polar – son livre. J’ai beaucoup aimé, car il parle de choses simples comme on en fait quotidiennement et de gens « normaux » que l’on rencontre tous les jours, tout en avançant sur le chemin comme on le fait dans la vie.
Le second ouvrage de Paolo Coelho qui s’intitule « Le pèlerin de Compostelle » a été publié après son pèlerinage qu’il a fait en 1986. C’est le premier roman qu’il a écrit et qui a été traduit en français immédiatement après sa publication. Lorsqu’il entreprend le pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle, il ne sait pas encore que de ce voyage il reviendra transformé. Au terme d’un parcours jalonné d’épreuves, il comprendra enfin que l’extraordinaire se trouve sur le chemin des gens ordinaires.
On se retrouve de plain-pied au milieu d’une ancienne confrérie chrétienne fondée en 1492, la RAM (pour Rigueur Amour Miséricorde ou Regnum Agnus Mundi) et de ses rites initiatiques. L’auteur est accompagné d’un Maitre, un guide dénommé Petrus, qui doit le mener sur le chemin pour chercher une épée, qui – à ma compréhension du livre – est le symbole d’une vérité qu’il doit trouver en lui au terme de l’accomplissement du chemin, de son cheminement …. Je ne sais pas trop s’il faut vraiment le prendre comme un livre qui retrace son chemin ou comme un roman de fiction au sein d’une confrérie – que l’on dénommerait de nos jours secte – versant dans l’épopée fantastique et l’ésotérisme.
J’ai eu un peu de mal à « rentrer » dans le livre et il m’est difficile de donner un quelconque avis. Enfin si, je peux dire que je n’ai pas trop aimé, voire pas du tout, avec ce côté un peu trop spirituel, avec ses leçons qui ponctuent pratiquement chaque chapitre par un exercice tel le rituel du Messager, le réveil de l’Intuition, … Il faut dire que, bien que je ne sois pas particulièrement pratiquant, je me considère chrétien et le Chemin de Compostelle est un pèlerinage que j’ai choisi de faire. J’espère bien qu’il sera différent de celui de Paolo Coelho. En fait se mêlent dans son roman des points de vue liés à la religion, à la méditation, au surnaturel voire au spiritisme, …
En résumé, pour le premier, vous pouvez y aller les yeux fermés – ou presque – et pour le second lisez le si vous n’avez rien d’autre à lire !
3 – Les chemins de Compostelle en Espagne
Comme je l’écrivais l’an dernier, depuis la frontière française, il y a 2 chemins principaux pour rallier Saint Jacques de Compostelle :
- Le Chemin Français (Camino Frances) : c’est de loin le plus fréquenté et il est à juste titre surnommé l’autoroute des pèlerins. Pour mémoire, environ 450 000 pèlerins arrivent à Compostelle chaque année (plus d’un tiers entre Juillet et Août) dont un peu plus de la moitié emprunte le Camino Frances, la principale voie en Europe.
- Le Chemin du Nord (Camino del Norte) : c’est l’autre voie très fréquentée, itinéraire du nord par la côte atlantique
Il est à noter que plus de la moitié des marcheurs qui arrivent à Compostelle ne parcourent qu’une centaine de kilomètres, distance minimale requise pour obtenir la « compostela » à l’arrivée, diplôme qui atteste que vous avez fait le chemin.
3.1 – Le Camiño del Norte
Aujourd’hui, le Camino del Norte, avec la Vía de la Plata – depuis Séville – et le Camino Português – depuis Lisbonne – est devenu une bonne alternative au Camino Frances pour tous les pèlerins en recherche de quiétude, d’introspection ou de solitude. En outre, partir sur cet itinéraire qui reste encore un peu délaissé par la plupart des randonneurs est aussi une garantie de découvrir des paysages plus spectaculaires que sur d’autres itinéraires, car il s’agit d’un itinéraire côtier avec l’océan en fond d’écran.
Il est l’un des itinéraires historiques que suivaient les pèlerins médiévaux pour se rendre sur le tombeau de l’apôtre, même si les historiens s’accordent à dire qu’il n’a jamais été très fréquenté en raison de l’orographie complexe et du petit nombre de villages offrant l’hospitalité. Chaque année, le nombre de pèlerins augmente fortement sur la route cantabrique. En 2009, il y avait 9 183 pèlerins, en 2017 17 836 et en 2022 environ 20 000. Aujourd’hui ils représentent un peu moins de 5 % des pèlerins arrivant à Santiago.
Il existe plusieurs points de départ possibles pour commencer cette grande randonnée : le Camino del Norte commence historiquement en Espagne à Irun, mais on peut également choisir de le débuter à Saint-Sébastien ou même partir de Bayonne ou d’Hendaye.
L’itinéraire débute par une série de montées et de descentes. La première partie du chemin, jusqu’à Bilbao, est donc plus « sportive » que ne peut l’être le Camino Francés. Néanmoins, cette route reste tout à fait accessible à la majorité des pèlerins. La seconde partie du chemin, jusqu’à Conlunga, est beaucoup moins vallonnée.
Le Camino del Norte ou Camino de la Costa ou encore Ruta de la Costa, longe le nord de l’Espagne. Du Pays Basque à la Galice, cet itinéraire de pèlerinage vers Saint-Jacques-de-Compostelle, traverse des régions montagneuses, longe de magnifiques falaises, des criques et des rias. Un tracé côtier au milieu de paysages ruraux, de ports de pêche et de villages. Il rejoint le Camino Frances pour les 2 dernières étapes avant l’arrivée à Santiago de Compostela.
Il est considéré par certains comme l’un des plus beaux chemins de Compostelle. Comme bien souvent, il y a des incontournables à ne pas manquer : San Sebastian, Guernika, Bilbao, Santander, Santillana del Mar, … J’essaierai de vous en parler tout au long de mon chemin.
3.2 – Mon itinéraire
Le Camino del Norte est l’itinéraire le plus long de tous les chemins espagnols. En suivant ce chemin côtier, je vais donc traverser d’Est en Ouest 4 régions : le Pays Basque, ma région de départ, avec sa capitale économique Bilbao, la Cantabrie avec Santander puis les Asturies avec Gijón et pour terminer la Galice avec la ville sainte de Saint Jacques de Compostelle. Je ferai un chapitre spécial pour aller de Saint Jacques de Compostelle à Fisterra.
Comme vous le voyez sur la carte ci-dessous, le Camino del Norte est le chemin de Saint-Jacques qui commence à Irún et longe la côte cantabrique. Jusqu’à Ribadeo, la première ville galicienne, l’itinéraire suit le littoral et c’est à partir de ladite ville qu’il s’éloigne de la côte pour se diriger vers la capitale galicienne. Vous noterez que plusieurs variantes sont possibles notamment pour rejoindre le Camino Francés.
L’altitude maximale n’est pas très élevée, environ 700 m, mais on monte et on descend en permanence, comme vous l’apercevez dans le profil de ce chemin côtier présenté ci-dessous. Les dénivelés positif et négatif sont les mêmes et vous pouvez remarquer qu’ils sont légèrement supérieurs à 15 000 m ce qui fait que l’on gravit presque 2 fois l’Everest et que l’on le redescend 2 fois, heureusement !
La distance est d’environ 840 km depuis Irun jusqu’à Saint Jacques de Compostelle et 900 km jusqu’à Fisterra.
4 – Conclusion
Avant de partir, je ne peux m’empêcher de mettre en exergue quelques extraits du livre de Alix de Saint-André tout d’abord puis de celui de Paolo Coelho.
Tout d’abord ce paragraphe que je trouve superbe tant pour sa poésie que pour tout ce qu’il évoque : « Ce qui m’aide à tenir, moi, c’est que le pas que j’ai fait n’est plus à faire ; que mon bâton repousse à chaque fois une terre que je ne foulerai plus jamais – et que je ne reviendrai pas. Je pense aussi que nous sommes les rouages d’une horlogerie céleste. En plantant la pointe de nos bâtons dans le sol pour le repousser derrière nous, en une file ininterrompue et obstinée, nous, les pèlerins de Saint-Jacques, depuis des siècles, nous faisons tourner la terre. »
Je vais surement être moins disert sur les passages que j’ai retenus de la lecture du livre de Paolo Coelho. J’ai néanmoins retenu ce passage : « Quand on voyage vers un objectif, il est très important de prêter attention au chemin. C’est toujours le chemin qui nous enseigne la meilleure façon d’y parvenir et il nous enrichit à mesure que nous le parcourons. »
Pour conclure, j’acquiesce sans retenue lorsqu’elle écrit – en substance – que sur le chemin on perd toute identité sociale : j’ai effectivement marché avec des pèlerins pendant plusieurs jours voire davantage et je ne sais toujours pas ce qu’ils font ou ont fait dans leur vie professionnelle. Aucun de ceux rencontrés ne se targue de quoi que ce soit ni ne s’enquiert de la situation actuelle ou passée de son compagnon de marche ou de chambrée. En fait, on constate très vite que ça n’a aucune espèce d’intérêt ni d’importance. Les uns avançant avec plus ou moins de vélocité que les autres, je dirais que c’est la seule distinction notable. Enfin une entreprise dont les acteurs partagent le même objectif et avancent tous dans la même direction sans être obnubilés par leur avancement ! J’aurais tendance à penser qu’il est dommage qu’il faille attendre d’être sur un chemin de pèlerinage pour s’en rendre compte. Mais c’est peut-être ce que certains viennent chercher ! C’est aussi un des grands enseignements du chemin !
Allez, je m’arrête, car le temps est venu de vous quitter pour partir sur ce nouveau chemin.