1 – Quelques généralités
Je vais vous donner quelques informations sur cette ville frontalière. Bien que n’ayant pas autant de richesses architecturales tels les vestiges romains de Arles, ma ville de départ l’an dernier comme vous vous le rappelez, elle a quelques curiosités qui valent la peine de s’y balader un moment.
Même si elle possède un riche passé, Irun est aujourd’hui surtout un centre commercial, organisé autour de la ville neuve et des jardins Luis Mariano – de son vrai nom Mariano Eusebio González y García. Eh oui, c’est ici qu’est né le prince de l’opérette, le chanteur de Mexico et Irun en est très fière.
Irun compte plus de 60 000 habitants et a vu passer de nombreux épisodes de querelles politiques et géographiques. Elles ont forgé son architecture, comme en attestent l’église Santa Maria del Juncal et la Mairie de la ville, et son esprit d’ouverture ! C’est auprès des romains qu’Irun trouve sa première structure urbaine. L’Empire a fondé la ville d’Oiasso, dont on aperçoit les vestiges au travers des thermes – chers aux romains – et à l’ermitage Santa Elena où se trouve une nécropole romaine. Indépendante et forte, Irun est une ville qui s’est bâtie sur ce passé. Maintes fois chamboulée, détruite et aujourd’hui porte d’entrée moderne qui n’a pas oublié son Histoire, c’est une ville attirante à visiter et pour s’y promener. De plus, une telle ville – comme toutes les villes frontalières – est la plupart du temps multi-culturelle et multi-ethnique et les populations parlent très souvent les 2 langues.
J’ai donc quitté Hendaye et la France en traversant le pont sur la Bidassoa, qui est la rivière frontalière. Ce pont comme, vous le voyez, est le Pont Saint-Jacques et est le point de départ – ou selon certains un des points de départ – du chemin de Compostelle par le Camino Norte. Arrivé en fin de matinée, avant d’aller à l’auberge de pèlerins qui n’ouvre qu’à 16 h, j’avais décidé de profiter de ces quelques heures pour faire un peu de tourisme et d’aller visiter quelques curiosités du patrimoine.
2 – Quelques mots sur son patrimoine
Au gré de la lecture de mon guide et de ma balade, j’ai donc découvert que la ville d’Irun est partiellement construite sur le site archéologique de l’ancienne ville romaine d’Oiasso. Située à la frontière entre l’Hispanie et la Gaule, Oiasso fut un important centre commercial, un noeud de communications maritimes et terrestres de l’Empire romain.
Tout d’abord direction l’ermitage de Santa Elena, également connu sous le nom d’Ama Xantalen en basque, situé près de la vieille ville d’Irun, au bord de la rivière Estebenea, à environ 30′ de la gare. Ici, si vous parlez l’espagnol, c’est bien mais c’est normal mais si en plus vous parlez le basque alors là c’est le nec plus ultra.
L’Ermitage de Santa Elena, situé rive droite du dernier affluent de la Bidassoa, a été construit au XIVe siècle à l’emplacement d’une ancienne nécropole romaine. Il s’agit d’un ermitage important – de plan rectangulaire – puisqu’il a été lieu de culte pendant des siècles. Dans les années 70, diverses fouilles ont été effectuées dans cet ermitage et on y a trouvé une nécropole d’incinération à la morphologie romaine. On a aussi trouvé les vestiges d’un temple romain antérieur au premier siècle.
À l’intérieur, il y a un musée qui renferme le matériel qui y a été trouvé : des urnes remplies de cendres y ont été découvertes, ainsi que des trousseaux funéraires. Des collections d’objets remarquables représentent le niveau de vie atteint par ses occupants, en harmonie avec les milieux urbains des villes romaines qui bordaient l’océan Atlantique. Ces derniers certifient l’existence à Irun d’un noyau de population de l’époque romaine.
Les fondations de deux bâtiments, interprétées comme étant des mausolées, jouxtaient les sépultures. L’un d’eux, de dimension plus importante, a été réutilisé au Xe siècle comme temple chrétien auquel fut ajouté un autel.
Malheureusement l’ermitage était fermé et ouvert seulement le dimanche pour des visites guidées. Pas grave, la balade le long de la petite rivière Estebenea était très agréable pour une remise en jambes ! Une dame âgée m’a expliqué qu’il fallait aller voir le musée à côté de l’église sainte Marie de Juncal. Je lui ai dit que j’allais y aller.
En route, un monsieur d’un certain âge me voyant marcher dans une direction qui n’était pas celle du chemin m’a crié : » Camino, Camino ! » en me montrant la direction à suivre. Cet adorable monsieur voulait me remettre dans le droit chemin ! C’est vrai que dans certaines circonstances cela peut être utile ! Indéniablement, la barrière de la langue ne facilite pas les échanges, mais les gens sont en majorité sympathiques.
L’église Santa Maria del Juncal est à environ 10′ de l’Ermitage. Ce bâtiment de dimensions honorables – L=45 m x l=24 m x H= 22 m – et relativement simple, met en évidence le caractère unique de la tour, d’une part, et les volumes inférieurs des pièces annexes, d’autre part, parmi lesquels se trouve la sacristie. L’église, bien que projetée et construite au milieu de la Renaissance, répond aux modèles gothiques, en raison de son système de construction et de ses formes, qui sont toujours en vigueur dans une grande partie de l’Europe, en particulier dans le Nord. Cette église gothique du XVIe s (mais le portail sud est baroque comme vous pouvez le voir ci-dessous à droite) adopte son organisation finale orientée selon l’axe liturgique est-ouest. Elle a trois nefs d’égale hauteur, dans lesquelles la largeur de la nef principale se distingue par rapport aux nefs latérales et héberge – malgré un aspect austère du moins de l’extérieur – 5 beaux retables dans le chœur où est nichée la statue gothique de la Vierge à l’enfant dite Notre-Dame-du-Juncal et le transept.
Juste à côté se trouve le musée romain d’Oaisso qui, aux dires des guides, est un incontournable et permet d’en savoir plus sur l’occupation par les romains. Il n’est ouvert en semaine que le matin et il allait fermer quand je suis arrivé. Je n’ai donc pas eu le temps de le visiter, mais la personne à l’accueil m’a fait un petit topo très intéressant. J’ai donc appris que le 1er étage était consacré à l’âge de pierre, le second à l’âge de fer, … j’aurais tendance à dire que c’est assez classique ce type de classification chronologique ! Les anciens thermes romains sont situés derrière le musée qui expose les restes archéologiques d’Oiasso et permet de découvrir la vie à l’embouchure du fleuve Bidassoa il y a plus de 2000 ans.
La mairie – ou Casa Consistorial – a été édifiée en 1763 et est un des bâtiments emblématiques de la ville (Cf ci-contre). La vieille ville offre au promeneur de belles petites ruelles ombragées, parsemées de cafés et de terrasses. Je dois avouer que ce n’est pas désagréable d’y déambuler. De Irun, il y a 2 chemins possibles : soit le Camino de la Costa – que je vais donc emprunter – soit le Camino del Interior qui rejoint le Camino Frances en passant par Vitoria.
Si vous avez un peu plus de temps que je n’en ai eu, allez vous balader dans la petite ville d’Hondarribia, la voisine d’Hendaye, de l’autre côté de la rivière Bidassoa. Elle se trouve à environ 4 km du centre ville de Irun au pied du fameux Mont Jaizkibel, haut lieu de la randonnée.
3 – Le départ du camino Norte
Le départ du Camino Norte est l’objet de nombreuses conjectures. En effet, d’aucuns affirment qu’il part de Bayonne, d’autres soutiennent de Saint Jean de Luz et enfin d’autres encore – dont je fais partie, c’est-à-dire j’oserais dire les sans opinions – de Irun. Le PK0 (Point Kilométrique 0) du Camino Norte est localisé à la frontière au milieu du pont saint Jacques qui franchit la Bidassoa.
Il est un peu indépendant, je dirais solitaire. Il n’est pas comme le Camino Frances, le prolongement des autres chemins venant de France via le chemin aragonais et le chemin navarrais. Mais là encore on se « dispute » l’origine du chemin. De nombreux arguments tout aussi défendables les uns que les autres, montrent qu’actuellement la majorité des pèlerins optent pour Saint-Jean-Pied-de-Port plutôt que pour Roncevaux et il en est de même de la voie aragonaise qui partirait a priori d’Oloron-Sainte-Marie. On constate en fait qu’il y a une espèce d’appropriation nationale de chaque côté de la frontière pour revendiquer l’origine de ces 2 chemins !
Dans mon précédent récit sur la voie d’Arles, pour moi le Chemin Français part de Puente la Reina (PK0) et fait suite soit à la voie navaraise soit à la voie aragonaise qui partent respectivement des cols de Roncevaux et du Somport. Le débat est donc loin d’être clos ! En fait pour moi, quel que soit le point départ de tout chemin, l’essentiel est de faire le chemin – son chemin – et de rejoindre saint Jacques de Compostelle.
Enfin, en partant d’Irun, même s’il n’y a pas de Pyrénées à traverser, les deux étapes depuis Bayonne serviront d’entraînement avant d’entamer le passage montagneux par le Pays basque (Euskadi en basque).
4 – L’albergue
Arrivé à l’albergue vers 16h, il y avait déjà pas mal de monde qui attendait son tour pour entrer : présentation de son identité et de sa credential obligatoire puis on nous désigne un n° de chambre et on nous laisse choisir notre lit. Les consignes de l’hospitalier sont quelque peu militaires : extinction des feux vers 22h et réveil à 6h, sans la fanfare mais avec la lumière; petit déjeuner servi et départ au plus tard à 8h30. Les chambres sont disposées à l’étage sur une rotonde avec des chambres rayonnantes. L’albergue compte enviorn 60 lits et j’ai l’impression d’être dans une ruche et d’entrer dans mon alvéole.
Dans cette albergue, je croise de nombreux pélerins – hommes et femmes pratiquement à parité – de toutes les nationalités : des français bien sûr, des américains, des européens (espagnols, anglais, allemands, slovènes, … ) et plus surprenant pas mal d’asiatiques, exclusivement – ou presque – des japonais et des coréens qui ont traversé les océans pour aller sur le camino Norte jusqu’à Santiago. Tout le monde parle sa langue bien sûr, et on se croirait dans une véritable tour de Babel ! Seul l’anglais nous permet de nous comprendre, of course ! mais parfois la langue des signes est bien utile !