Quelques généralités sur ces 6 étapes

Partant de Lodève, je vais rejoindre Castres en 6 étapes. Je vais traverser la partie la plus occidentale des Cévennes qui se situe dans le département de l’Hérault puis la partie la plus au sud du Massif Central. Je vous emmènerai donc de Lodève (repère A) – en quelque sorte la porte d’entrée à l’Est du parc naturel Régional du Haut-Languedoc – à Saint-Martin-d’Orb (B), puis à Saint-Gervais-sur-Mare (C), à Murat-sur-Vèbre (D), à Salvetat-sur-Agout (E), à Bouisset (F) pour sortir de ce plateau et entrer à Castres (G).

Vous avez ci-dessous le trajet du GR653 ainsi que le relief de ces 6 étapes. Vous pouvez noter que je vais rester sur le plateau pendant environ 1 semaine à une altitude variant entre 600m et 1000 m environ et le dénivelé positif est compensé pratiquement par le même dénivelé négatif.

Pour votre compréhension, le départ de Lodève au kilomètre 0 est à gauche sur le schéma du suivi de terrain et se trouve à une altitude de 164m et Castres à l’arrivée et à 173m (le point le plus bas est à 162 m et le point culminant à 1027m).

Etape 9 :  Lodève (A) – Saint-Martin-d’Orb (B)

Le chemin …

Ma 9ème étape, de 22 km environ, me conduit dans la petite commune de Saint-Martin-d’Orb. Elle se situe dans la vallée de l’Orb, rivière du Massif Central qui coule Nord-sud en traversant tout l’Hérault et va se jeter dans la méditerranée au sud de Béziers, à Valras-plage.

L’étape est assez longue et à un moment nous avons quitté le GR653 pour le GR7 pour rejoindre Lunas par la vallée de la Nize. Nous avons croisé, avec Thomas, mon compagnon de chemin depuis notre rencontre vers Montpellier, un groupe de randonneurs qui était parti de Lunas et rejoignait Lodève dans l’après-midi. C’était une très belle balade, avec le petit inconvénient, que vu les orages de la veille dans la région, le sol était très boueux, en dévers et donc très glissant et de plus le passage du cours d’eau en temps normal à gué nécessitait pas mal de précaution pour ne pas (trop) se mouiller ! En bas, se dressait la chapelle romane Notre-Dame-de-Nize. Elle occupe le site d’un sanctuaire d’origine pré-romane associé à un ancien culte local perpétué par un pèlerinage à la Vierge. Ce site regroupe une chapelle, un clocher, un ermitage, une aire de pèlerinage et une source dite « Fontaine des yeux » où les malades venaient jadis se soigner. Petite pause à Lunas où nous avons croisé 2 femmes qui allaient au Bousquet d’Orb, mais apparemment ne savaient pas trop où.

… avec ses rencontres

J’avais réservé dans un gite qui se trouvait sur le chemin, au lieu-dit la Seguinerie pour éviter de quitter le chemin et d’aller au Bousquet-d’Orb à environ 1 km. L’accueil était courtois, mais sans plus. J’avais choisi l’option demi-pension. Hervé m’a rejoint et nous avons diné avec Martine et Christina qui venaient de Joncels, à environ 8 kms, et que nous avions croisées à Lunas. L’une, Christina, marche et l’autre, Martine, fait le trajet en voiture – si j’ai bien compris ses explications – jusqu’à l’étape suivante puis va à la rencontre de son amie. Pourquoi pas ! Nos hôtes avaient préparé le repas pour 4 personnes, ont posé l’ensemble sur la table et sont partis sans diner avec nous ! Bonjour les échanges avec les pèlerins ! En tout cas, nous avons bien échangé entre nous en parlant de nos expériences respectives sur les différents chemins, de nos lectures qui l’évoquent comme le livre de Alix de Saint-André « En avant, route! » qui est à leurs dires un incontournable (mais que je n’ai pas lu) ou des films, tel celui tiré du roman autobiographique de Sylvain Tesson : sur les chemins noirs qui vient de sortir. C’était une soirée agréable. Ce gîte privé est cher (bière ou vin en +, idem pour le lave-linge, …). Notre hôte est allé chercher Christina sur la route : 7 € !

Sur la liste des 220 gites d’étapes que m’avait donnée mon association, seulement 6 sont donativo ! Serge, mon hospitalier à Montpellier, avec qui on avait fait le dimanche matin avant mon départ  cette petite analyse statistique m’a dit, plus ou moins sous forme de boutade, que ce chemin d’Arles était un chemin de « riches » en comparaison avec celui du Puy-en-Velay où il y a un nombre incalculable de gîte avec accueil en donativo. Je déconseille ce gîte qui, même s’il évite de sortir du chemin, n’a aucune raison de se déclarer « accueil pèlerin » ! c’est une machine à cash, rien d’autre !

Le lac du Salagou au Sud Est La chapelle Notre-Dame-de-Nize Le petit village de Saint-Martin

Etape 10 :  Saint-Martin-d’Orb (B) – Saint-Gervais-sur-Mare (C)

Quelques mots sur mon chemin …

Ma 10ème étape, d’environ 24 à 25 km, me conduit à Saint-Gervais-sur-Mare. A l’origine lors de la création des départements Saint-Gervais-sur-Mare appartenait au diocèse de Castres et était rattachée au Tarn. En vertu d’une loi de 1801 qui échangeait les cantons d’Anglès et de Saint-Gervais, la commune a été rattachée à l’Hérault. Le village – charmant au demeurant – qui se trouve à environ 350 m d’altitude, est entouré de sommets qui atteignent 1000 m et qui font le partage des eaux entre les versants méditerranéen et atlantique.

Je suis donc parti un peu avant 7h et suis arrivé vers 14h30, ce qui fait encore une bonne journée de marche avec pas mal de dénivelés, puisque l’on monte jusqu’à 932m au col de Le Devois via les cols du Liourel (700m) et de Serviès (838m) et on met un pied – ou peut-être les 2 d’ailleurs – dans l’Aveyron. Dès le départ, ça monte déjà beaucoup ! On est sur la partie avec une assez forte pente que vous pouvez voir sur le schéma du relief (km 22 à 25), puis après le relief s’adoucit et on reste sur le plateau jusqu’à la descente sur Saint-Gervais. J’ai donc passé une bonne partie de ma journée entouré à perte de vue par des collines, des arbres, … la nature en quelque sorte. Pratiquement aucune manifestation de l’homme en terme de patrimoine !

… et sur cette belle rencontre …

Au détour d’un chemin juste avant le col de Serviès, vers 10 h du matin, je tombe sur un berger assis sur une espèce de promontoire qui domine le chemin. Il avait une barbe blanche et m’a fait penser à une espèce de statue antique, de je ne sais quel héros de la mythologie, assis à scruter l’horizon… Il s’appelle Jacky et est flanqué de ses 2 chiens, Pompon et Ulla, noir et blanc, de race Border Collie.

Il me montre son exploitation pas très loin d’ici, à 1 km à vol d’oiseau mais à 3 km par le chemin. Il est là chaque jour à 7h du matin et il lui faut 1 heure environ pour monter. Ses moutons paissent dans une prairie avoisinante. Je lui ai demandé si – comme c’est très souvent le cas dans la région – il vendait son lait de brebis pour le fromage de Roquefort. Il m’a dit qu’il faisait de l’élevage pour la viande : il avait un troupeau de 60 veaux et de 40 agneaux. Sans lui demander plus d’explications, je suppose que son choix a été en partie dicté par toutes les règlementations de l’Europe et de la France sur les quotas laitiers et très probablement par les contraintes sanitaires en ce qui concerne la production de lait, son stockage, son transport, … et tout cela pour un prix de vente dérisoire. De plus il m’a expliqué que nous étions encore sur la commune d’Avène (7700ha) qui est – comme vous le savez – célèbre pour sa station thermale et qu’on lui avait demandé de déplacer son exploitation sur les hauteurs afin de ne pas risquer de polluer la source qui alimentait les thermes et qui passait près de son ancienne ferme. Il est descendu de son perchoir et s’est retrouvé devant moi sans que j’aie eu le temps de voir par où il était passé et nous avons continué à discuter. Il avait une musette en bandoulière et je lui ai demandé si c’était son casse-croûte dedans. Il m’a répondu que c’était un – ou des livres – je ne me souviens plus. Je ne lui ai pas demandé ce qu’il lisait, mais avouez que c’est assez surprenant ! Voilà un homme d’une soixantaine d’années environ, qui tous les matins se lève à 4 ou 5h, mène son troupeau pendant 1h au col de Serviès, le surveille avec l’aide de ses 2 magnifiques chiens, lit son roman, …une espèce de sage, et ce brave type – ne voyez aucune condescendance dans ce mot – qui doit être bien loin de la semaine de 35 heures, qui je pense ne doit pas souvent se plaindre et qui fait son métier avec passion sans se poser trop de questions pour produire une viande de qualité afin de nous nourrir, nous autres citadins. En repartant, il m’a dit qu’en passant dans l’Aveyron après le col de Serviès, il y avait un point de vue extraordinaire. Je ne manquerai pas d’y faire une halte. Ce jour là, j’ai fait une très belle rencontre et je me la rappellerai longtemps!

… et avec ou sans temps de solitude ….

Comme venait de me le suggérer Jacky, je me suis donc arrêté peu de temps après pour une petite pause, mais pas que… J’avais envie de regarder, de m’imprégner de ce que j’avais sous les yeux, de profiter de l’instant présent, peut-être un peu par mimétisme dans ce que je venais de partager avec ce berger, Jacky a dit !

Moi, parisien, en permanence en mouvement, je me suis posé pour une fois, presque surpris de cet immobilisme ambiant ! moi, épicurien, adepte en grande partie du fameux Carpe Diem, j’avais envie de contempler et peut-être de méditer pendant un moment!

« Là, tout n’est qu’ordre et beauté, Luxe, calme et volupté. » L’Invitation au Voyage, Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal (1857)

J’avais sous les yeux rien que de très banales collines boisées – comme il y en a partout – mais je n’ai pu m’empêcher d’y voir une espèce d’océan de vagues vertes sous un ciel laiteux, un peu orageux. Ici pas de flux ni de reflux, pas de ressac, pas d’écume si ce ne sont quelques nuages vaporeux qui se sont attardés dans la vallée. Rien, il ne se passe rien, presque pas de bruit, tout est immobile, figé, pétrifié depuis des centaines de millions d’années. Ces collines à la chevelure verte laissent paraitre de-ci de-là comme des parties de leur crâne pierreux voire la totalité, scarifiées, lacérées par les griffes de l’érosion du temps! De plus, on voit du vert partout, mais en fait il n’y en a pas un seul identique : les résineux sont d’un vert sombre, les feuillus moins foncé, les prairies plus clair, … on a en fait un paysage en camaïeu de vert. Et en cette fin de printemps, on aperçoit des genêts d’un jaune vif au bord des chemins, des fleurs de toutes les couleurs, …. j’ai sous les yeux une espèce de patchwork, une palette multicolore : bravo l’artiste pour cette belle toile ! …. Et là, inopinément, me viennent à l’esprit les notes de la symphonie n°6 de Ludwig van la bien nommée « Symphonie Pastorale ». Quoi de plus approprié en cet instant de solitude où l’on aimerait que le temps se mette lui aussi sur pause – pour peut-être 100 ans!

Me voilà revenu dans notre monde et en redescendant dans la vallée via le col du Layrac (765m), on quitte les forêts de résineux pour entrer dans des forêts de feuillus. Bien après, on traverse ensuite Mècle, un pittoresque petit village, où je n’ai croisé âme qui vive – peut-être à cause de l’heure du repas ou de la sieste ? – et juste avant d’arriver, on passe non loin du site de Neyran, en ruine, qui comprenait un chateau fortifié ainsi que l’abbaye Saint-Pierre de Neyran. De là-haut on a une superbe vue sur la vallée et sur Saint-Gervais et on arrive enfin en traversant le Casselouvre sur un superbe pont médiéval.

Des cyclotouristes que j’ai croisés m’ont dit que vers 17h ou 18h il y aurait le passage dans le village de la transhumance – environ 700 brebis – qui devait rejoindre les estives pour, je pense, l’été. Autant qu’il m’en souvienne, je n’ai jamais assisté à un tel spectacle. Arrivé à la mairie, j’ai appris que du fait du risque d’orage, les bergers avaient préféré la différer. Elle passerait le lendemain matin !

Le gîte communal est très récent et est très bien entretenu. Il est propre avec des sanitaires récents , une cuisine avec plein d’ustensiles, un lave-linge, de quoi mettre un pèlerin de bonne humeur pour la soirée (ouf! pas de lessive à faire …). Nous avons fait la rencontre de Laurence qui était itinérante avec son chien et campait parfois car tous les gîtes n’acceptent pas les animaux. Du fait de la faible fréquentation du gîte, on avait toléré qu’elle reste quelques jours, surtout que des orages étaient annoncés. En principe dans les gîtes principalement communaux ou religieux, la règle c’est une nuit et pas davantage, sauf en cas de blessure ou problèmes type tendinite, ampoules, … Monika que nous avions laissée à Lodève du fait de ses ampoules, a pris un taxi jusqu’à Saint-Martin-d’Orb et nous a donc retrouvés vers 16h au gîte. Toujours les 4 mêmes depuis Montarnaud qui se retrouvent presque chaque soir dans les gîtes d’étape après que chacun a marché à son rythme, fait des pauses, ….sans trop se préocccuper de la marche des autres ! Béatrice – que j’avais déjà rencontée plus tôt à Aniane et qui avait passé la nuit avec nous au Carmel à Saint-Guilhem du fait de gros orages – était aussi à Saint-Gervais, mais comme elle était une adepte du bivouac et donc n’avait pas trop de contrainte pour l’hébergement, elle avait choisi ce soir là le bivouac.

Etape 11 :  Saint-Gervais-sur-Mare (C) – Murat-sur-Vèbre (D)

Ma 11ème étape me conduit de Saint-Gervais-sur-Mare à Murat-sur-Vébre, distante d’environ 23 km, avec pas mal de dénivellé. Le nom « Murat » – on prononce le t – viendrait du mot mur avec le suffixe latin -atum, donnant le sens de « clos de murs ». A noter que ce petit village est dans le Tarn, presque enclavé entre l’Aveyron au Nord-Est et l’Hérault au Sud-Ouest. La commune est dans le Lacaunais, un ensemble de plateaux où l’élevage de brebis laitières est prépondérant pour la fabrication du Roquefort qui est à environ 50 km d’ici. Implantée de part et d’autre de la ligne de partage des eaux entre océan Atlantique et mer Méditerranée. Murat, une des étapes aujourd’hui balisée GR 653, est parcourue par plus d’un millier de marcheurs par an avec des pics lors des années jacquaires (Année Sainte Compostellane), ce qui est très peu par rapport aux autres chemins et qui peut expliquer le peu de gîte d’étapes et le manque chronique de points d’eau sur le parcours. Là où on est sûr de trouver de l’eau potable, c’est dans les cimetières …

J’ai quitté le gîte à 7h30. La transhumance est passée à 6h30 ! tant pis ! Il n’y aurait pas grand chose à dire de cette étape, si ce n’est que à la sortie de Saint-Gervais, il y avait un embranchement de 2 GR dont les références étaient très mal indiquées. Au lieu de suivre la Mare, comme on le voit sur la carte ci-dessous, et d’aller vers Castanet-le-Haut puis de continuer sur le GR qui suit en gros la D922 en direction de Murat vers l’Ouest, j’ai bifurqué à gauche et ai pris un autre GR (tous les GR ont le même balisage trait blanc et trait rouge) donc si on n’a pas de temps en temps la référence du GR on peut marcher longtemps sans se rendre compte que l’on n’est pas sur le bon, et c’est ce qui m’est arrivé. Même à l’heure d’internet et du GPS, ce genre de mésaventure peut arriver à tout le monde, surtout quand on n’a plus d’accès réseau comme c’est souvent le cas dans ces zones. J’ai bien vu à la position du soleil que j’allais plein Sud mais je pensais que l’on contournait une colline pour repartir vers l’Ouest. J’étais donc parti en direction de Lamalou-les-Bains. Au bout d’un certain temps descendant toujours vers le Sud, j’ai rebroussé chemin et ai croisé Frédéric qui lui aussi avait pris la mauvaise direction et en remontant tous les 2 on a croisé Béatrice. On est donc revenu au col de la Pierre Plantée (509 m) qui portait bien son nom. Quand même préciser que plusieurs mégalithes attestent de la présence d’hommes préhistoriques sur la commune, comme le menhir de la Pierre Plantée à côté du col éponyme. Des personnes qui se rendaient à Douch pour voir passer la transhumance nous ont emmenés après Rosis, au pied du col de l’Espinouse, ce qui nous a fait gagner une dizaine de km (entre 2 et 3 h de marche). Après nous n’avions pas le choix et nous avons dû emprunter la D180 pour monter au sommet de l’Espinouse (1129m) et passer le col afin de redescendre dans l’autre vallée et d’arriver à Murat vers 17h30, soit quand même environ 10h de marche pour ce qui me concerne. Mais je dois avouer que de là-haut, la vue est – comme on dit – imprenable.

On a fait une pause avant de redescendre pour nous ravitailler un peu. Chacun a partagé ce qu’il avait et comme je n’avais plus d’eau – et pour cause – chacun m’en a donné.

Le gîte était propre mais pas terrible. Il était situé en contrebas et comme les douches et les toilettes étaient aussi utilisables par les campeurs, elles étaient à l’extérieur du gîte. Pas pratique du tout! Nous avons quand même passé une bonne nuit tous les 3 (Thomas, Frédéric et moi), Béatrice ayant diné avec nous mais choisi le bivouac et Hervé et Monika étaient quant à eux dans un autre gîte à Murat.

Etape 12 :  Murat-sur-Vèbre (D) – La Salvetat-sur-Agout (E)

Ma 12ème étape, d’environ 22 km, me conduit à La Salvetat-sur-Agout. C’est l’étape la plus haute de mon périple, environ 1120 m, mise à part celle des Pyrénées. Halte sur le chemin de Saint-Jacques, son nom vient de « sauveté » qui signifie lieu d’asile. On a pendant un long moment longé le lac de Laouzas qui est un lac artificiel alimenté par la Vèbre, affluent de l’Agoût. A noter que ce barrage hydroélectrique a détourné les eaux de la Vébre et de l’Agout du versant atlantique vers la méditerranée. Un moment très reposant. On a déjeuné au bord du lac dans le petit village de Villelongue (cf photo ci-dessous).

La dernière montée est assez harassante, très raide, le gîte d’étape se mérite ! Le village – qui n’est pas dénué de charme – est une ancienne cité médiévale du XIIe siècle et propose un petit circuit touristique. Le gîte pèlerin qui nous accueille est sympa avec son côté médiéval à l’image du village mais aurait bien besoin d’une bonne remise en état.

Quelques mots sur La Salvetat…

Je suis sûr que vous connaissez au moins de nom cette commune grâce à son fameux slogan : Elle a mis le Sud en bouteille, pas le sel ! L’eau minérale de la Salvetat jaillit à la source de Rieumajou à 700 m d’altitude dans un environnement préservé. Déjà connue au Moyen-Âge, les pèlerins en route pour Saint-Jacques-de-Compostelle s’y arrêtaient pour se désaltérer. Plus tard, au XIXe siècle, l’eau de Rieumajou, naturellement ferrugineuse et légèrement gazeuse, est connue des habitants du village et son exploitation est lancée en 1846 mais s’arrête en 1930 et reste en sommeil pendant 60 ans. En 1990 Danone s’implante à la Salvetat et relance l’exploitation en 1992. L’eau minérale naturelle LA SALVETAT est née! Distribuée dans la France entière elle est la première référence volume des eaux gazeuses dans la grande distribution.

… et sur cette autre belle rencontre

Juste avant d’arriver, nous passons devant une villa où les habitants, en train de boire un café sur leur terrasse, nous – Béatrice, Frédéric et moi – en proposent un. Nous voilà donc installés autour de la table à discuter et Jacques – surnommé Jaco – le propriétaire des lieux nous parle de son métier. Il était paludier et travaillait dans les marais salants de Camargue avant de prendre sa retraite depuis peu. Il s’est installé ici pour des raisons économiques, je crois, car le loyer même en banlieue de Montpellier était devenu trop cher. On leur a parlé de notre chemin et surtout hier que l’on s’était égaré à la sortie de Saint-Gervais. Il nous a « rassuré » en nous disant que 70% des pèlerins prenaient la mauvaise direction ! Il nous a longuement parlé de son travail et d’un seul coup, il se lève et revient avec pour chacun d’entre nous une boite de fleur de sel de Camargue ! Il a mis sur chaque boite un petit mot sympa. Merci donc à Jaco pour cette gentille et touchante attention.

Jaco le paludier … et sa dédicace Gîte de La Salvetat-sur-Agoût

Etape 13 :  La Salvetat-sur-Agout (E) – Bouisset-Lasfaillades (F)

Ma 13ème étape, d’environ 28 km, est une étape assez longue qui me conduit à Bouisset-Lasfaillades. Donc départ matinal vers 6h45 et arrivée au gîte en début d’après-midi. Les difficultés commencent à être derrière nous et on commence à avoir des prairies avec des collines plus arrondies que précédemment. On est en quelque sorte sur les dernières bosses du Massif Central qui vont aller progressivement en s’estompant. En chemin, j’ai croisé Madeleine, une dame charmante, qui était partie de Anglès, petit village que j’allais atteindre en gros dans 1 heure. Elle allait à La Salvetat. Elle était originaire de Nantes et comme je connais un peu cette ville, on a discuté un bon moment. A Anglès, la seule épicerie à des lieues à la ronde était tenue par une grand-mère – que dis-je une arrière-grand-mère – qui se démenait tant bien que mal pour faire tourner son petit commerce. Encore un qui va fermer, car si j’ai bien compris, les candidats à la reprise ne sont pas légion!

L’accueil au gîte a été super ! puisque c’est un gîte communal, c’est Bernadette, employée de mairie, qui est venue pour les différentes petites formalités. Nous étions 2 ce soir là, Thomas et moi-même, pour un gîte capable d’accueillir environ une dizaine de pèlerins. Le gîte – très propre et bien équipé – est toujours complet l’été mais ferme l’hiver à cause des frais de chauffage qu’il faudrait supporter pour quelques pèlerins de temps en temps.

Etape 14 :  Bouisset-Lasfaillades (F) – Castres (G)

Ma 14ème étape, de 28 km également, me conduit à Castres, que l’on aperçoit au loin dans la plaine. On quitte progressivement le parc naturel Régional du Haut-Languedoc pour descendre dans la plaine et rejoindre – par voie de conséquence – la civilisation. Je peux donc envisager d’allonger un peu les étapes. L’entrée dans Castres est assez monotone et pénible. on n’en voit plus le bout avec ses kms de trottoirs et de bitume ! Assez épuisant et vraiment pas terrible.

Quelques mots sur cette ville …

Castres est une assez jolie ville qui compte un peu plus de 40 000 âmes et environ 70 000 avec l’agglomération. Je n’ai pas eu le temps de tout voir, bien sûr, mais c’est une ville qui recèle un patrimoine historique intéressant.

Les « Maisons sur l’Agoût« , emblème de la ville, ont longtemps fait la richesse de Castres et affirmé sa première vocation industrielle, le textile. Les premières maisons remontent à la fin du XIIe siècle. Des siècles durant, elles ont servi d’ateliers aux tanneurs, chamoiseurs et parcheminiers qui utilisaient l’eau de la rivière pour travailler la peau, la laine ou le papier. Les caves, appelées «caoussino» en occitan (littéralement cela signifie usine à chaux), ouvraient sur la rivière, comme on le distingue sur les photos. Elles possédaient des lavoirs. Après avoir nettoyé et rincé les peaux dans l’Agout, on les déposait dans les cuves emplies de chaux. Au rez-de-chaussée étaient situés les appartements des ouvriers puis ceux des maîtres. Aux deux derniers étages, se trouvaient les séchoirs qui étaient pourvus de petites ouvertures qu’on fermait ou ouvrait avec des volets de bois en fonction de la saison.

Castres est le lieu de naissance de Jean Jaurès, à qui un musée est consacré. Le Musée Jean Jaurès – inauguré par François Mitterrand en 1988 – présente la vie de ce grand écrivain, journaliste et homme politique, né à Castres en 1859 et assassiné à Paris en 1914. Quelques mots quand même sur Jean Jaurès qui fut reçu en 1878 à l’Ecole Normale Supérieure, en 1881 3ème à l’agrégation de philosophie derrière Henri Bergson, enseigna comme professeur de philosophie à Albi pendant 3 ans puis comme maitre de conférences à Toulouse puis deviendra docteur en philosophie en 1892. En 1885 il est élu et devient à 26 ans le plus jeune député de France et au cours de son parcours politique il croise Jules Ferry, Jules Guesde, …. Porté par les mineurs en grève de Carmaux dans le Tarn, il retrouve en 1893 les bancs de l’Assemblée nationale comme député de cette circonscription dans laquelle il fut réélu à plusieurs reprises. A la fin des années 1890, il rejoint Zola dans son combat pour la réhabilitation de Dreyfus, fonde le Parti Socialiste Français (PSF) en 1901, fonde le journal l’Humanité en 1904. Il est le porte-parole de nombreuses lois et réformes (en 1905 loi sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat, …). Le 1er août 1914, le lendemain de son assassinat, la France se mobilise. Le musée est très bien organisé et, à travers un parcours chronologique et très didactique, vous découvrez – en gros en 1 heure – la vie et l’œuvre de celui que l’on considère comme le père du socialisme en France. En plus vous bénéficiez d’un tarif pèlerin sur présentation de la crédential.

Castres possède également un musée consacré à l’art hispanique et plus principalement à l’œuvre de Francisco Goya. Il est situé dans l’ancien palais épiscopal. C’est la plus importante collection de ce genre en France, de l’art religieux espagnol à l’art moderne et contemporain hispanique, en passant par l’art précolombien. On peut y admirer notamment des œuvres de Velasquez, Murillo, Ribera, Picasso et Goya. Malheureusement il était fermé pour travaux, mais je pense que je n’aurais pas eu le temps!

… et sur cette autre belle rencontre

Lydie, une amie de l’association, m’avait recommandé, dans la mesure où je passais et m’arrêtais à Castres, de loger chez Madeleine ! Elle avait déjà logé chez elle et en garde un excellent souvenir. Elle l’appelle même de temps en temps ! J’ai donc – lors de la planification de mes étapes – réservé ma nuitée chez Madeleine ! Quand je l’ai appelée, elle m’a dit qu’elle ne pouvait pas faire la 1/2 pension, car elle avait une bronchite et était pas mal fatiguée, mais que l’on pouvait disposer de sa cuisine pour se faire à manger. Peu après notre arrivée, nous – Thomas et moi – avons été rejoints par Jean-François, marseillais, qui reprenait la marche après une lourde intervention au coeur et faisait en moyenne entre 12 et 15 kms par jour. Lui, ancien marathonien, devait dès à présent se ménager. On a donc fait des courses et en fin de compte, elle a préparé le repas avec une salade et nous a même fait réchauffer un plat de la veille, puis fromage et dessert ! Qu’est-ce que cela aurait été si elle avait été en forme ! C’est une petite bonne femme, une personne ordinaire comme beaucoup de gens qui reçoivent des pèlerins, admirable, qui a toujours le sourire, qui a un réel sens de l’hospitalité, malgré ses 84 printemps ! Mes chaussures avaient rendu l’âme lors de cette étape et il devenait urgent d’en trouver d’autres. Madeleine n’a pas hésité un seul instant et nous a proposé de nous accompagner à Décathlon en dehors de la ville pour moi trouver des chaussures et pour Thomas une cape de pluie. Nous sommes revenus par nos propres moyens, car elle devait aller aider une amie à ramasser des cerises ! Attention néanmoins, pour être accueilli par Madeleine, il faut montrer patte blanche : la sempiternelle credential! Pour remercier Madeleine que je vous présente ci-dessous, je ne peux m’empêcher de lui dédier ce petit extrait : « Madeleine c`est mon Noël C`est mon Amérique à moi … » (Jacques Brel – Madeleine 1962 )

… et comme d’habitude ma credential avec les tampons des 6 étapes